mercredi 20 avril 2011

Juun.J Automne/Hiver 2011/12

La collection automne-hiver 2011/12 de Juun.J est sans conteste l'une de nos préférées de la saison.
Dans une salle obscure, la musique alterne entre la techno sombre et lente de Fischerspooner et le chant lyrique d’Owen Pallett, soulignant la double nature de cette collection, qui vise la légèreté tout en reposant sur les accumulations.
On pourrait dire qu’il s’agit ici pour Juun.J de montrer en quoi le vêtement relève non seulement de la coupe mais aussi de l’art de le porter ; le stylisme des collections et la mise en scène de leur présentation étant toujours des plus étudiés.






Ainsi, on retrouve dans les coiffures, cheveux plaqués vers l’arrière et séparés en deux par une ligne de fracture en zigzag la même idée qui guide les découpes caractérisant les tenues, comme si le designer avait eu l’intention de créer des ouvertures inattendues qui transfigurent le vêtement pour lui donner une nouvelle forme.






Intégrant fentes, superpositions, courbures et prolongements inattendus, le vêtement n’est pas désigné comme multifonctionnel, mais poétisé, attiré non pas vers la fiction d’un impossible mais vers une réalité rendue possible. Tout l’art de Juun.J repose sur cette tension, inhérente à sa coupe, vers un surréalisme à la fois kafkaïen – ses mannequins ont l’allure et les accessoires (lunettes, pochettes) de jeunes clercs de banque – et pictural : on pense en particulier à Magritte et à la tentation du trompe-l’œil.






Il faut alors porter toute son attention aux formes qui ne cessent de se réinventer, de bifurquer, pour transformer le vêtement : la veste d’un costume se recourbe en un savant jeu de continuité entre extérieur et intérieur pour devenir manteau à larges épaules ; une autre veste se prolonge en manteau dont le bas est relevé et porté sur le bras, telle une traîne.











L’épaule est le point de focalisation de cet art du porter : vestes, trenchs, blousons et pardessus sont posés, jetés sur les épaules, dérivant en capes, ou bien intégrés à la veste du dessous pour créer des épaulettes surdimensionnées et autres effets stylistiques. Les manches sont ainsi presque systématiquement redoublées, ne serait-ce que par la présence de ces gants qui chevauchent la chemise sur toute la longueur du bras.













C’est alors comme si le vêtement ne devait jamais prendre fin mais reposer sur une continuité maximale : où commence-t-il, où finit-il ? quelle pièce est-elle finalement indépendante des autres ? Les chaussures elles-mêmes semblent à peine sorties d’un moule sans que le travail de finition ait encore été accompli.
La silhouette qui illustre peut-être le mieux cette interrogation est celle qui intègre dans le manteau la possibilité – alors devenue nécessité – de le porter par-dessus la tête, comme lorsque l’on veut se protéger des intempéries. Cette silhouette qui est la plus marquante du défilé indique alors que ce n’est peut-être pas l’homme qui assigne sa fonction au vêtement, mais qu’il est en réalité possible que le vêtement – de par sa forme et sa matière – façonne l’homme en une création plus subtile et plus poétique.







Images courtesy of TOTEM